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disparition

Juan Gelman vers l’au-delà

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Prix Cervantès 2007, le poète et militant argentin, en exil depuis le coup d’Etat militaire, est mort mardi à 83 ans, à Mexico.
Juan Gelman en 2008 au Mexique. (Photo Alfredo Estrella. AFP)
publié le 15 janvier 2014 à 20h06

Souvent, les poètes écrivent leur nécrologie - il est possible que leur poésie entière ne soit rien d'autre du début à la fin. Voici un poème, intitulé «Epitaphe», tiré du premier recueil, Violon et autres questions (1956), de Juan Gelman, prix Cervantès 2007, grande figure des lettres sud-américaines et de la tragédie argentine, mort mardi à 83 ans, à Mexico : «Un oiseau vivait en moi./ Une fleur voyageait dans mon sang./ Mon cœur était un violon./ J'ai aimé ou pas./ Mais parfois/ on m'a aimé. J'étais aussi/ réjoui par : le printemps,/ les mains jointes, ce qui est heureux./ Je dis que l'homme doit l'être !/ Ci-gît un oiseau./ Une fleur./ Un violon.» On dirait un tableau de Chagall transporté dans des soutes jusqu'à Buenos Aires.

Dans son Dictionnaire des auteurs latino-américains, malheureusement non traduit, le romancier argentin César Aira le définit comme «le poète le plus prestigieux d'Argentine parmi ceux qui ont surgi dans la décennie des années 60». Années d'espérances et de combats politiques que la vie de Gelman, jalonnée de morts et de fantômes, va incarner sans faiblir : «Qu'y puis-je, disait-il, si je suis un incorrigible "espérant".» Il a été l'espoir et la catastrophe de l'espoir des années 60 aux années 90. Enfant, il avait rêvé qu'il était page dans un palais. Il tombait amoureux d'une femme et lui écrivait chaque nuit un poème. Juan Gelman s'endormait, stylo et papier à son chevet. Au réveil, il n'y