Il s’appelle Stefan Zweig, un homonyme du célèbre écrivain. Enfant juif polonais, il était à 3 ans et demi le seul gosse déporté à Buchenwald. Il avait été caché d’abord dans un camp de travail en Pologne par son père, qui avait réussi à l’emmener toujours clandestinement dans ce tristement fameux camp de concentration, où il fut pris en charge par la résistance interne, hégémonisée par les communistes allemands.
Après des années, ils avaient réussi à arracher aux droits communs les principaux postes de pouvoir dans l'administration interne, le «revier» (le dispensaire) comme les bureaux décidant des affectations et des convois où se jouaient la vie ou la mort du déporté. «Si j'avais réussi à le protéger jusque-là, c'était un symbole de la résistance contre Hitler et à leurs yeux il méritait d'être sauvé», a expliqué le père, Zacharias Zweig, dans ses mémoires. Désigné pour un convoi à destination d'Auschwitz, le garçon fut, grâce à l'organisation clandestine, remplacé par un autre.
Les perceptions ont changé depuis l’après-guerre. A l’âge des héros a succédé celui des victimes. Ce qui était un acte de résistance antifasciste est aujourd’hui vu en Allemagne comme une infamie, d’autant que celui qui partit pour la mort à la place de Stefan était un Tsigane de 16 ans, Willi Blum. Dans le nouveau mémorial du camp situé près de Weimar et édifié après la chute du Mur, son nom est flanqué du mot «Opfertausch» («échange de victimes»), comme s’il en portait la responsabilité.