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Libération
critique

Il était un effroi

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Rencontre avec le romancier argentin Leopoldo Brizuela.
publié le 22 janvier 2014 à 17h06

Vers la fin décembre, une chaleur anormale s’est installée dans Buenos Aires. Tout semblait fondre sur les trottoirs : les grands arbres, les gens, leurs ombres, leurs lendemains et même leur mémoire. Rappeler ce qu’on a vécu demandait autant d’efforts que d’aller à un rendez-vous. Dans les cafés, c’étaient des survivants qui parlaient. Des habitants en colère bloquaient les rues de certains quartiers en faisant des feux pour protester contre les coupures d’électricité, qui duraient parfois plusieurs jours. Leopoldo Brizuela est venu de La Plata, une ville universitaire où il habite depuis qu’il est né, voilà cinquante ans, à une petite heure de la capitale.

C'est un homme de taille moyenne, aux cheveux bruns légèrement salés, qui ne sourit que pour mieux suivre ses idées et ses phrases. Sa ville est un endroit plutôt calme, d'allure géométrique. On lit dans son nouveau roman, la Nuit recommencée : «Les rues la découpent rigoureusement à angles droits, en pâtés de maisons quadrangulaires, identiques, numérotés. Si quelqu'un l'avait survolée pendant la soirée que je voudrais évoquer (des policiers en hélicoptère, un guérillero en fuite qui se serait envolé pour l'exil), il aurait cru découvrir la véritable fonction de cette géométrie : c'est une cage, une carte d'état-major.» Commentaire de l'auteur : «Je voulais décrire une ville, pensée comme parfaite à la fin du XIXe siècle, et qui, un siècle plus tard, s'est transformée en prison.»

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