Menu
Libération
critique

Tumeur d’estomac et aigreur de cerveaux

Article réservé aux abonnés
Pathologie de la bêtise sous le signe du cancer par Jacques A. Bertrand
publié le 22 janvier 2014 à 17h06

Quelque chose de neigeux dans le début, trotte-menu, comme un encombrement de paperasses au ralenti :

«Il y a des gens qui ont le désespoir modeste, on dirait à peine un désespoir ; ils le promènent tous les soirs à heure fixe, comme on sortirait un vieux chien.»

Le narrateur, Anatole Berthaud, a mangé son estomac, indique-t-il à un vendeur de pantalons qui le félicite sur sa taille de guêpe. On se dit, «manger son estomac, ça doit être un type qui fait un ulcère», et bingo, non seulement il a un ulcère mais en plus il a un cancer, ce qui rime.

«La difficulté que j’éprouvais à déglutir, qui m’avait incité à consulter, finalement, était due à un bourgeonnement, une petite tumeur au bas de l’œsophage - dont on avait pu espérer qu’elle était bénigne. Elle était un peu maligne.»

Mais on n'en est pas encore là au début, on sait seulement qu'Héloïse, sa compagne, a survécu à un coma, une sorte de ratage pour quelqu'un qui voulait faire «un grand nettoyage». Que l'un et l'autre vont au restaurant, «ce restaurant sans nom, à l'enseigne de la mélancolie universelle». Il est beaucoup question de tables et de mets, comme une sorte de diversion, question du «luxe» comme d'un mot qui n'a de sens que pour les pauvres, et de la nécessité de s'asseoir pour accéder à la gastronomie, faute de quoi «la moitié des Nord-Occidentaux» ne comprendra jamais rien à la «caillette rôtie dans sa crépine». Une sorte de rêvasserie vitrine qui tien