Il y a quelques jours, l'écrivain mexicain José Emilio Pacheco publiait la nécrologie intime du poète argentin Juan Gelman, mort le 14 janvier à 83 ans (lire Libération du 15 janvier). La mort est un rêve contagieux : douze jours après celle de son ami, Pacheco s'est éteint à son tour dimanche à Mexico. Il avait 74 ans.
Gelman et Pacheco vivaient tous deux dans le quartier de la Colonia Condesa. Ils s'étaient connus en d'autres temps à La Havane. Pour s'amuser, Gelman lui avait alors écrit un poème : «J'ai commis l'erreur de le ranger dans un livre, écrit Pacheco. Mais je ne sais plus lequel.» L'amitié est une conversation ininterrompue : ils se voyaient régulièrement depuis trente ans, parlant de cinéma, de la vie, de tout sauf naturellement de ce que l'un et l'autre ont tant marqué, la poésie.
Ciel nu. «Je ne peux m'accorder le rôle d'ami intime, écrivait Pacheco, mais, sans aucun doute, celui de lecteur intime, qui n'a jamais cessé le dialogue avec ses livres. A partir de maintenant, ils sont encore plus forts : ils ne nous parlent plus de la mort, mais depuis la mort.» On peut en dire autant de ses propres œuvres. Dans le Sable errant (1998), il écrit : «J'essaie d'appeler/ Mais il n'y a personne pour me répondre./ La sonnerie résonne dans le vide./ Le néant est la seule réponse./ Les chiffres donnent accès au jamais plus./ Un autre nom s'efface dans le carnet/ ou l'ag