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Spécial BD

Blutch, du cyanure pour la soif

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Angoulême 2014dossier
publié le 29 janvier 2014 à 17h06

La première image de

Lune l’envers,

le nouvel album de Blutch, montre une jeune fille qui peint, et la fenêtre derrière elle laisse entrevoir un joli paysage. L’ambiance n’est pas encore durablement établie. Dans la deuxième case, sa mère apparaît à la jolie peintre pour lui dire des mots qui sonnent comme ceux d’un conte de fées ou d’un roman banal :

«Ma fille, le moment est venue de te mettre au courant de certaines choses…»

A savoir, en gros, qu’être une femme libre, ce n’est pas si facile.

«Alors voilà, je crois qu’il est temps pour moi de te remettre aujourd’hui ce que ta grand-mère, en son temps, m’avait transmis…»

A savoir, contrairement à ce qu'attendent la jeune fille et le lecteur, «une capsule de cyanure». C'est une protection de l'avoir toujours sous la main. La troisième planche est aussi une histoire de ruptures de tons. Dans les six premiers dessins qui font les deux tiers de la page, une fille s'agite silencieusement, forte du don maternel au fond de son sac. Dans le dernier, pas moins de vingt-sept phylactères, une foule sur une esplanade, tout le monde ou presque parlant à son portable : «Je reste là, je bouge pas», «C'est la catastrophe, comme d'habitude», «Quoi ?», «On avait dit une demi-heure trois quarts d'heure», «Allô», «Nous, on fait ça avec du miel. Du lait chaud avec du miel», «Tu m'l'as pas dit ça», «T'es pas mon père, d'abord», «T'as quelle version ?», «Là, j'ai pas de réseau», «Y sont où les autres ?». Pas un mot dans la planche suivante, simple histoire de dents et de fesses avec la fille dans le rôle des fesses et l'homme et le chien dans celui des dents.

L'album est aussi fait de ruptures de temps. L'intrigue est plus ou moins la suivante : dans un futur indéterminé, la bande dessinée a pris une importance économique et sociale si considérable que la série du Nouveau Nouveau Testament est pl