Deux pères, ce n'est pas forcément un de trop. Il arrive qu'ils s'additionnent pour peupler cette armoire à glaces qu'on appelle un roman. Elvire de Brissac en a écrit une quinzaine. La plupart sont remplis de femmes élégantes et d'hommes pressés. Certains sont pères de l'héroïne. Dans la Corde et le Vent, il y en a deux. Le second apparaît tard. C'est un monsieur «très vieille France, il porte un nœud papillon, par moments son visage m'évoque quelque chose, mais mon esprit est ailleurs, j'ai voyagé toute la nuit et le retour à Paris m'occupe». Elle a 25 ans, rentre de New York, trouve sa mère au salon avec ce vieil inconnu familier. Ils sont «plongés dans ce qu'il est convenu d'appeler une conversation. Pourtant ni l'un ni l'autre ne parlait quand je suis entrée, j'ai tout de suite remarqué que la pendule ne marchait pas, sans doute l'horloger hongrois qui venait la remonter chaque semaine était-il mort». Le vieil homme la prend par la main, lui montre une photo de lui quand il était jeune : c'est elle.
Elvire de Brissac est une femme de 75 ans, solide et de taille moyenne, le visage jovial, les yeux implacablement clairs, les pommettes relevées, dont l'âge s'efface par le sourire et l'énergie. Elle est née du côté de Guermantes - «j'ai vue sur la Seine depuis ma naissance» - et finit sa vie en forêt, dans une propriété du Cher qui lui vient de la branche maternelle, les Schneider. Sa mère, May, connaissait les grands couturiers : «Ell