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Libération
critique

Insoumission accomplie

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Le cahier Livres de Libédossier
Roland Gori sur le bonheur
Le psychanalyste Roland Gori dans son cabinet à Marseille, le 14 mars 2010. (Photo Olivier MONGE)
publié le 5 février 2014 à 21h26

La dernière fois qu’on parlait de Roland Gori en ces pages, pour la sortie de

la Fabrique des imposteurs

(2013), c’est l’image du hamster qui nous venait. Cet inoffensif rongeur aux yeux sanguinolents et à la truffe anxieuse semblait emblématiser le phénomène décrit par Gori depuis plusieurs années : la servitude volontaire d’après la chute du Mur, et notre tendance à courir en boucle après toujours plus de vide, effrayé par la perspective de voir notre cage s’effondrer si le mouvement cessait, car :

«Le bonheur a pris aujourd’hui le masque de la sécurité.»

Le nouvel essai de ce psychanalyste et anthropologue, Faut-il renoncer à la liberté pour être heureux ?, évoque plutôt une icône de la culture populaire récente : le lapin crétin. «Qui ne s'est jamais étonné, demande Gori, de voir ces médecins prestigieux, ces soignants dévoués, se soumettre aux ordres d'un petit "tyran" administratif dont l'hôpital pourrait bien se passer sans que cela affecte les soins le moins du monde ?» Partout, ceux dont le métier est de porter soin et attention à l'autre, d'écouter, de transmettre (médecins, juges, enseignants, intellectuels, créateurs, etc.) sont soumis à la comptabilité et l'évaluation de leur performance économique, là où elle n'a par définition pas lieu d'être. Dans un renversement saisissant de la logique fonctionnelle, les experts en vide sont les contremaîtres des producteurs de contenus, qu'ils maltraitent sans voir que, sans eux, la