L'apport essentiel de Roland Gori, c'est de lier psychanalyse et sociologie politique, de relire Hannah Arendt ou Pierre Bourdieu à la lumière de Freud et Lacan. Retour sur les notions de culpabilité, dépendance et obsession à l'ère pragmatique des «sociétés de la norme».
Vous pointez la faillite du récit, le désaveu de la parole…
Il y a cet article bien connu de Walter Benjamin, «le Conteur», sur le fait que nous ne sommes plus capables de raconter des histoires car, écrit-il, «le cours de l'expérience a chuté et il sombre indéfiniment». Si vous prenez par exemple la clinique à l'hôpital, la pédagogie, la vie professionnelle en entreprise, vous voyez que ce qui vient à la place de l'expérience, c'est l'information. Nous avons de même remplacé le dialogue par le communiqué. Mais l'information n'a de valeur qu'au moment où elle est nouvelle, où elle émerge et par conséquent, elle annule le temps. En termes psychanalytiques, on dirait que c'est la dimension maniaque qui vise à dénier la dimension dépressive.
Maniaque ou, comme vous l’écrivez, «obsessionnelle», dont la stratégie inconsciente consiste à parfaitement «respecter la procédure» pour «en bafouer l’esprit» et annuler tout résultat…
C'est maniaque au sens d'une fuite en avant pour ne pas prendre conscience de sa condition tragique, de sa finitude, mais aussi obsessionnel, au sens où la vie devient un mode d'emploi, on segmente les actes de la vie ordinaire comme on organise et rationalise le travail. L'obsessionnel a l'éternité devant lui, il attend la mort du maître comme dit Lacan, ça se répète et, par la répétition même, il tue tout ce qui est vivant, désir, tout ce qui pourrait être innovation, création, etc. Nous répudions la mort, mais no