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Libération
Critique

Les errements de Gérone

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A travers les destins croisés d’un avocat et d’un truand, Javier Cercas dresse le portrait de l’Espagne postfranquiste.
«Les Lois de la frontière» épluche la mythologie enchantée du postfranquisme.
publié le 12 février 2014 à 17h36

Javier Cercas est humaniste, donc pessimiste. Ses récits sont d’or, ses rondeurs sont d’acier. Le mensonge identitaire est au cœur de son travail de dévoilement romanesque : les silhouettes et les masques par lesquels un peuple - le peuple espagnol - travestit les événements, ou les oublie, pour construire une histoire qui n’est pas celle qu’il vit ou qu’il a vécue. Cette histoire agit sur la conscience collective comme un décor de carton-pâte : la vie est un songe que dissipe cet autre songe, le roman. Cercas conte dans les coulisses, les caves. Il fait l’inventaire d’un magasin aux artifices dont le narrateur, aussi douteux que les autres, n’est pas exclu.

Les Soldats de Salamine suivait le destin de l'écrivain franquiste Sanchez Mazas et d'un groupe de fusillés franquistes à travers l'investigation déprimée d'un écrivain contemporain lui ressemblant comme une goutte d'encre à l'autre : ainsi explorait-il quelques leurres rétroactifs liés à la bonne conscience républicaine de la guerre civile, à une époque où l'on parlait encore assez peu de ces choses-là. Dans Anatomie d'un instant, décortiquant le coup d'Etat militaire manqué du 23 février 1981, campant les protagonistes et vissant peu à peu leurs vies dans la spirale de l'événement, il contait les ambiguïtés, les hasards et les compromis de la transition démocratique. Les Lois de la frontière épluche la mythologie enchantée du postfranquisme, réunie sous le chapeau-claque de la célèbre «mov