Boris Vian avait parfaitement résumé le problème :
«Voilà des mois et des années / Que j’essaye d’augmenter / La portée de ma bombe / Et je ne me suis pas rendu compte / Que la seule chose qui compte / C’est l’endroit où c’qu’elle tombe.»
Enfin, presque, parce que si elle tombe à côté, ça marche quand même : la bombe aérienne fait peur, et c’est l’essentiel.
Elle a eu deux usages dans l'histoire des guerres modernes. L'un, fondé sur «l'endroit où c'qu'elle tombe», qu'on appelle «tactique», et l'autre sur «la portée» : usage «stratégique». Dans le premier cas, il s'agit de détruire gares, bétail, etc., d'empêcher l'ennemi de nourrir la guerre. Ce bombardement tactique vient en appui d'autres corps d'armée, et tant mieux, car Thomas Hippler rapporte qu'au printemps 1915, sur 141 largages alliés, seuls trois atteignirent leur cible.
Verve. Le bombardement stratégique suppose que «la force aérienne suffi[t] en elle-même à vaincre l'ennemi» : par exemple à Hiroshima, ou lors des opérations massives des Etats-Unis contre le Vietnam, et qui visent à détruire le pays. Giulio Douhet (1869-1930), un général italien, est le théoricien le plus fameux du bombardement stratégique, qu'il justifie ainsi dès la Première Guerre mondiale : «La distinction entre belligérants et non-belligérants n'existe maintenant plus, puisque tous travaillent pour la guerre et que la perte d'un ouvrier est peut-être plus grave que la pe