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Libération
critique

Colm Tóibín, l’exil ou la vraie vie

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Recueil de nouvelles de l’écrivain irlandais.
publié le 19 février 2014 à 17h06
(mis à jour le 20 février 2014 à 12h28)

Tout ce qui affleure dans le récit sans être dit, tout ce qui est su par l’auteur et qu’il tait en partie : la théorie de l’iceberg selon Hemingway. Colm Tóibín est de ceux qui l’appliquent. Dans la nouvelle «la Couleur des ombres», qui donne son titre au nouveau recueil de l’Irlandais, une vieille dame agonise. C’est la tante Josie, qui s’accroche à la vie. Elle essaie de parler, n’y parvient pas, mais son neveu, Paul, finit par comprendre. Josie dit juste :

«Elle.»

Paul lui jure qu’il n’a pas vu cette femme à qui elle fait allusion, et qu’il ne la verra pas. Il ne sait pas si elle l’a entendu, mais elle peut à présent mourir en paix. Josie, Paul et le lecteur savent de qui il s’agit :

«Elle»,

c’est la mère de Paul.

L'histoire est racontée selon le point de vue du Paul en question, qui a été élevé par la tante Josie, sœur de son défunt père. La mère de Paul - dont on apprend qu'elle est revenue dans la petite ville où il a passé son enfance - buvait. Il y avait déjà deux mères alcooliques dans le précédent recueil de Colm Tóibín, l'Epaisseur des âmes, dont le titre original était Mothers and Sons, et une mère absente. Les silences imposés par Hemingway, avec une autorité telle qu'ils se font encore entendre aujourd'hui, sont ici de préférence ceux de la famille. Tóibín n'a-t-il pas publié récemment un essai sur les écrivains intitulé New Ways to Kill Your Mother ? Le narrateur de la première nouvelle de la Couleur des ombres