Menu
Libération
chronique

Thornton Wilder et l’esprit du pont

Article réservé aux abonnés
publié le 26 février 2014 à 17h06

Le Pont de San Luis Rey est un roman américain de Thornton Wilder paru en 1927 et aux allures de conte voltairien. Il se présente comme une chronique analysant les conséquences de la rupture du pont de San Luis Rey (qui n'a jamais existé) survenue le vendredi 20 juillet 1714, entre Lima et Cuzco. Cinq personnes furent alors précipitées dans le vide sous les yeux de Frère Genièvre, franciscain italien «par hasard au Pérou pour convertir les Indiens». Au lieu qu'il se dise «A dix minutes près, c'était moi… !» une tout autre idée visite le prêtre : «Pourquoi ceci est-il arrivé à ces cinq personnes-là ?» Il pense qu'il est donc «grand temps d'asseoir la théologie parmi les sciences exactes», cet événement constituant une sorte de «laboratoire».

Il a déjà été confronté à «d'innombrables calamités» frappant ses ouailles : «piqûres d'araignées, poumons atteints, maisons en cendres, enfants frappés de choses qui révulsent la pensée…». Mais ces drames n'étaient «pas propices à l'analyse scientifique», puisque leur manquait ce qu'on appellera «la représentativité statistique» : la responsabilité de Dieu n'y était pas entière, «l'erreur humaine», «un facteur de probabilité» ayant pu jouer. Tandis que «cet écroulement du pont de San Luis Rey était un "fléau divin" pur et simple. […] Ici, enfin, il allait être possible de surprendre Ses intentions à l'état pur». Frère Geniè