Menu
Libération
critique

Drame du cerf

Article réservé aux abonnés
L’historien Edward Thompson essaye d’expliquer pourquoi la royauté anglaise décida de punir de mort le braconnage.
publié le 5 mars 2014 à 17h06

En 1723, la Chambre des communes adopta le Black Act, loi d’une sévérité sans précédent, même pour l’Angleterre pourtant réputée pour la dureté de son code pénal. Chasser ou blesser un cerf dans une forêt royale devenait ainsi un délit sanctionné par la peine capitale. Edward Thompson (1924-1993), l’historien britannique le plus célèbre et le plus lu du siècle dernier, s’efforce de comprendre pourquoi.

Depuis 1719, le «blacking», attaques contre des cerfs par des cavaliers armés au visage noirci, sévissait dans les forêts royales. Le Black Act eut pour but de mettre fin à cette contestation. L'adversaire des Blacks était la bureaucratie royale gérant les forêts, contrôlée par des nobles enrichis. Ces derniers n'eurent de cesse, sous couvert de la défense des cervidés, d'empiéter sur les terres communes et de réduire l'exercice des droits d'usage de la paysannerie. En bref, de porter atteinte à la coutume, cet ensemble d'obligations réciproques qui fondaient la communauté locale et qui, de ce fait, transcendaient la notion de propriété. «Ce qui était en jeu, ce n'était pas la terre disponible mais qui l'utilisait : c'était donc une question de pouvoir et de droit de propriété.»

Pour mettre en place une appropriation de type capitaliste, c'est-à-dire une possession exclusive des terres afin d'en jouir sans entraves, qu'il s'agisse de créer des parcs d'agrément ou des fermes rentables, ces nouveaux seigneurs comprirent qu'il leur fallait éliminer les fo