«Assise à mon bureau comme au commencement de chaque journée, j'essaie de retrouver un peu de sérénité après l'agitation du réveil.» Ceci, jeté presque incidemment, entre deux autres phrases façon «la marquise sortit à cinq heures». L'agitation du réveil, donc. Qu'est-ce que c'est ? Non pas une agitation particulière à un jour, mais celle qui, chaque matin, constitue le réveil même de la narratrice. Le réveil en tant qu'intranquillité, on s'ébroue, fracture nerveuse, autant dire qu'il n'y a de paix que dans le sommeil, étrangeté de bon pied.
Mais la narratrice ne le dit pas. Ne dit rien de plus à ce sujet, sinon qu'elle charrie «des restes de sommeil dans la traîne» de sa chemise de nuit et se «laisse tomber» sur le «coussin mou» du fauteuil «comme un vieil oiseau se pose sur son nid». Aimons l'emboîtement de ces sensations, matriochkas de l'être-là, voire «las» : le sommeil est dans la traîne de la chemise comme l'oiseau fait sa nuit. C'est une chemise de nid, peut-être, et la narratrice est non seulement emplumée, mais comme le sommeil lui-même, sérénité.
Tricherie. Outre sa capacité à noter ces infimes tremblements du quotidien, ces suspensions du cliché dans la cristallisation soudaine d'un geste, d'une crainte, d'un événement (c'est-à-dire la résolution d'une attente, c'est-à-dire d'une distension de l'âme), May Telmissany, Egyptienne d'Ottawa, née en 1969, excelle aussi à filmer l