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Libération
Critique

Des mots sur mes genoux

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Le cahier Livres de Libédossier
Comment la lecture de Christian Bobin mène à l’atelier d’anbart «sans majuscule», ancien cheminot et artiste.
Atelier d'anbart, le 12 mars. (Photo Gilles Favier. Vu)
par Emmanuelle Pagano
publié le 19 mars 2014 à 18h26

Cet article a été réalisé dans le cadre du «Libé des écrivains».

Christian Bobin vient de publier un nouveau livre, la Grande vie. Je pourrais dire ici ce que j’ai ressenti à le lire, l’impression qu’il ne parle qu’à moi, directement dans ma petite oreille décollée, ou l’énervement peut-être, devant tant de luminosité même au plus terne de la vie, devant cet angélisme à toute épreuve (des troupeaux d’anges dans ce livre), mon étouffement sous tant de fleurs, ou encore ma gêne face à son petit côté moraliste (mais un moraliste si peu sévère qu’on lui pardonne), et mon émerveillement malgré tout, parce que ce livre est si bien écrit, si ajusté, comme accordé. Mais je ne sais pas aller au-delà de ces impressions, alors pour chroniquer ce livre je vais m’y prendre autrement. Je vais parler d’un homme auquel j’ai pensé en le lisant.

Cet homme est un roi sans prétention, un roi, dirait Bobin, «qu’aucune étiquette n’empèse». Je vais donc le copier, lui qui dans la Grande vie convoque rois et reines en leurs palais : Desbordes-Valmore, Vermeer, Mallarmé, Soulages, des voyageurs en gare de Montpellier, Homère, Jünger, Ronsard, Kierkegaard, Dhôtel, Hölderlin, Chassignet, Hopkins, Lao-Tseu, Antelme, Monk, Monroe, des mendiants, Thérèse de Lisieux, Bach, plusieurs enfants sans nom, des vieux, des morts, pour ne parler que des êtres humains (il y a aussi des animaux en pagaille et beaucoup de végétation).

Cet homme m'a appris à lire et voir. Quand je l'ai connu,