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Libération
Critique

Renata Adler témoigne sur Hannah Arendt

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Le cahier Livres de Libédossier
Retour sur «la banalité du mal».
Hannah Arendt lors de l'émission «Zur Person» sur la chaîne de télé ouest-allemande ZDF, en 1964.
par Renata Adler
publié le 19 mars 2014 à 18h26

Cet article a été réalisé dans le cadre du «Libé des écrivains».

«Je l’aimais violemment !»

Ainsi William Jovanovich salua-t-il la mémoire de Hannah Arendt lors de son enterrement. Grand, ténébreux, d’une présence formidable, il avait été son éditeur chez Harcourt Brace Janovich. Il parlait comme un acteur, fort, fier, la main posée sur le cœur. Mary McCarthy, et d’autres figures moins connues du monde littéraire et universitaire américain, ou rattachées à l’

establishment

des intellectuels exilés, s’exprimèrent plus calmement, mais avec la même émotion tendue. C’était en 1975. Trois ans plus tard, aux obsèques du critique Harold Rosenberg, Mary McCarthy affirma, très lentement, que nous avions

«perdu le dernier de nos héros»

(Saul Bellow, qui avait assisté aux deux enterrements et qui vécut encore vingt ans, fut profondément vexé. Mais c’était la vérité.) Avec la mort de Arendt et de Rosenberg, une ère de grande créativité intellectuelle et de distinction venait de se fermer aux Etats-Unis.

Inquiétude. Je suis devenue l'amie et la complice dévouée de Hannah Arendt il y a cinquante ans, au début de ce qui dut être la période la moins heureuse, la plus angoissante de sa carrière. En 1963, son compte rendu du procès du nazi Adolf Eichmann, Eichmann à Jérusalem, commença à paraître dans le New Yorker où j'avais été embauchée peu avant, au sortir de l'université. Quand j'ai lu les textes, je me suis beaucoup inquiétée de leur réception. J