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Libération
critique

Dans le secret des lieux

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Depuis la maison natale jusque dans la forêt, Peter Handke explore les déboîtements politiques du monde.
Peter Handke en 2006. (Photo AFP)
publié le 26 mars 2014 à 17h26

Où se mettre pour lire, et pour écrire ? Non seulement dans quel lieu, mais aussi dans quel corps, c’est-à-dire : comment équerrer et guinder son corps pour que l’esprit vienne s’y asseoir ?

C'est le sujet d'Essai sur le lieu tranquille, à savoir sur les toilettes, les cabinets. C'est là que Handke s'écoute, s'ausculte, enfant du moins, avant que ce Lieu Tranquille n'en vienne, par extension, à désigner pour lui toutes sortes de «niches» où le «Moi» prend consistance, comme lové et déployé à la fois : «Oui, c'est bien entre autres dans les Lieux Tranquilles, avec leur géométrie concentrée, que "ça prend forme" à mes yeux.»

Echo. Topos handkien : l'insécurité du sujet, tendu entre l'insignifiant et l'extrême. A l'incipit d'Essai sur le lieu tranquille, l'auteur écrit : «Il y a longtemps de cela, j'ai lu en traduction allemande un roman de l'écrivain anglais A.J. - "Archibald Joseph" si je ne me trompe pas - Cronin, intitulé Sous le regard des étoiles Quelques lignes après, continuant son récit, il fait cette fois figurer entre parenthèses et guillemets la même expression : «("si je ne me trompe pas")». Un peu plus loin, ayant employé «on», Handke corrige en «je» et s'interroge : «Il y avait donc bien un "je" là-bas autrefois ?» Celui qui parle se demande qui parle. Effet circulaire, sorte de labourage. Le «je» n'existe que dans la profératio