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Libération
critique

L’Etat de choc de Giovanni Botero

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Le pouvoir justifié par sa seule survie.
La garde de Barack Obama en novembre à Dallas. (Photo Brendan Smialowski. AFP)
publié le 26 mars 2014 à 17h26

Dans un article des

Actes de la recherche en sciences sociales

(118, 1997),

De la maison du roi à la raison d’Etat

, Pierre Bourdieu note que certaines œuvres produisent une philosophie politique qui, au lieu d’être

«descriptive»,

se révèle

«productive et prédictive de son objet»,

ou, performativement, fait naître les institutions dont elle traite. Il cite Francesco Guicciardini, Jean Bodin et Giovanni Botero, qui auraient contribué à

«produire l’Etat en produisant une théorie de l’Etat».

Il est vrai qu’

«avoir le mot, c’est déjà faire la chose»

- et à cet égard rien n’est plus exemplaire que le «mot» que crée Botero :

la raison d’Etat,

par où advient

«cet événement capital pour la longue durée de l’histoire politique»

qu’est la

«réduction du politique à l’étatique»,

ou la centralité absolue de l’Etat.

De la raison d'Etat, de Giovanni Botero, a été publié en 1589 : c'est un ouvrage mythique, peu lu, toujours cité de deuxième main - dont le titre même a pénétré si profondément le lexique politique qu'il en a fait oublier le contenu. La traduction française donnée aujourd'hui - fondée sur un remarquable travail d'édition scientifique - remplace celle de… 1599 ! Elle permettra de lever bien des malentendus, car, si Botero en est l'«inventeur», la raison d'Etat, telle qu'on l'entend aujourd'hui, semble ne pas avoir le sens que lui donnait le Piémontais.

Prêches. L'acceptio