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Libération
critique

Avec Echenoz, la Floride, Babylone et la Mayenne en bouteille

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Sept récits d’un ingénieur écrivain parvenu à son point d’équilibre.
publié le 2 avril 2014 à 18h06

Sept brefs récits, comme péchés minimaux, lesquels valent toujours mieux que les trop longues vertus qu’on aimerait pouvoir s’accorder. Jean Echenoz les a publiés ici et là, dans des revues ou des livres d’art, de 2002 à 2010, mais ils s’unissent, se réverbèrent et se démontrent les uns les autres. Ce sont les échantillons d’un art narratif ayant atteint son point d’équilibre et sa ligne de fuite. Si l’occasion éditoriale fait le larron, le larron a en effet sa manière de voir, d’écrire, de lier l’espace et le temps. Un sens elliptique du récit, mélange syntaxique de vitesse et de nonchalance, fait que choses et mots se détachent et se déposent dans une sorte de brouillard vide, avec circonspection et une familiarité distanciée.

A propos d'un ingénieur veuf et solitaire décidant de visiter les ponts dont la grammaire a changé le monde comme peuvent le faire des phrases, il écrit : «On ne saurait donc se mouvoir qu'avec un but, un axe, un cap, une idée fixe en tête, sinon mieux vaut rester derrière ses fenêtres.» L'ingénieur s'appelle Gluck, chance ou bonheur en allemand : ils roulent ici sur un pont de Floride dont l'autre bout ne sera jamais atteint. Le cœur reste un chasseur solitaire. Et l'auteur de l'Equipée malaise, dans ces 30 pages de «Génie civil», installe son personnage au niveau de l'extraordinaire constructeur de barrages conté par Primo Levi dans la Clé à molette.

Sous-marin. Un axe, un cap, une idée