De Homs à Alep, la Syrie est devenue un accablant champ de ruines. Mais ces villes réduites à l’état de squelettes sont nées sur d’autres ruines, celles de toutes ces âmes en lambeaux, calcinées par cinquante années de dictature, brisées quand elles se révoltent, réduites à la condition d’un quotidien gris et triste sous les incandescences du ciel syrien quand elles s’y plient. Car le régime des Assad père et fils, en embastillant et en torturant tant et plus, en insufflant partout la peur, n’a pas seulement confisqué les corps. Il a cadenassé aussi les vies intérieures. Aujourd’hui, parce que les témoignages abondent et que l’atroce condition pénitentiaire occupe une très large part de la littérature syrienne en exil, on n’ignore plus ce qui se passe dans le secret des goulags baasistes ni dans les centres de torture qui maillent l’ensemble du pays. En revanche, que sait-on des destins de celles qui attendent les prisonniers, les épouses, les fiancées, les amantes, condamnées elles aussi à la prison de l’au-dehors, celle de l’interminable attente?
«Bocal». C'est à cette question que s'efforce de répondre la journaliste et romancière Rosa Yassin Hassan, figure de l'opposition laïque, en exposant le destin d'Anat, Doha et Mayyasa, trois jeunes femmes de Damas, qui attendent la libération des hommes qu'elles aiment, trois militants de gauche qu'elles aperçoivent de temps à autre quelques minutes, à la faveur d'une rare visite dans la coloni