C'est un livre pour les philosophes, et un livre pour les littéraires (parfois on est l'un et l'autre). Les premiers à cause du projet politique, toujours continué chez Jacques Rancière et désormais bien connu, de «partage du sensible». Les seconds parce que le philosophe de la Parole muette se propose de renouveler, à nouveau sous les auspices de Joseph Jacotot (1770-1840), ce «maître ignorant» qui estimait avec Kant que «toutes les intelligences sont égales», les grands paradigmes de lectures hérités de Roland Barthes ou de Walter Benjamin sur des auteurs phares de la modernité : Flaubert, Conrad, Woolf, Baudelaire, mais aussi Keats et Büchner.
Evidemment, Rancière s'attaquant à Barthes, ce n'est pas Picard et Pommier. Plutôt un déplacement de point de vue qu'une réplique frontale : Rancière trouve son aîné trop brechtien. Tout à la fin de ce recueil de quatre essais, on apprend que le philosophe a aimé Gérard Philipe dans Richard II au TNP en 1954, tandis que Barthes le descendait dans ses Ecrits sur le théâtre, au motif de l'«embourgeoisement» du théâtre populaire.
Ce reproche et cette réduction barthésienne à une alternative (identification-distanciation), c'est ce que Jacques Rancière appelle la «réification» : une interprétation qui ne voit dans la fiction moderne que «la forme-marchandise où se dissimule le travail humain».
«Anonymes». Dans le premier essai, «Le fil perd