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critique

Attention, humain méchant

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Les psys Francis et Marivi Ancibure se penchent sur la vilenie ordinaire, qui loin d’être pathologique habite tout un chacun.
La pire méchanceté est celle qui est en bas régime: pique, vexation, médisance, rosserie... (Photo Vincent Ma. Flickr)
publié le 9 avril 2014 à 18h26

Quel que soit le stratagème qu’il utilise, le haineux sait à quoi il vise : que le haï n’existe plus, et que disparaisse même son souvenir. Mais que veut le méchant ? Certes pas que l’objet qu’il torture ne soit plus, car il se retrouverait bien dépourvu s’il ne pouvait encore et encore jouer à en faire sa proie. Comme le disait Jankélévitch,

«la méchanceté ne détruit pas, elle désagrège»,

morcelle, émiette sa victime afin de pouvoir, sous une forme de plus en plus fine, toucher et blesser ses parties les plus infimes.

«La méchanceté dissocie comme l’amour unit»,

elle s’insère dans la bonne conscience d’autrui pour la rendre mauvaise, se glisse dans la confiance pour la faire tourner en défiance et suspicion, défait les concordes et les ententes, les fraternités et les communautés. Il est rare qu’elle avance avec de gros sabots, comme le fait la colère : la méchanceté n’est jamais aussi méchante que lorsqu’elle est en bas régime et basse manœuvre : petite pique, coup de patte et coup de griffe, mot blessant, vexation, rosserie, médisance, persiflage, mesquinerie, raillerie… On constate d’ailleurs qu’un «gros méchant» est presque un nounours gentil : le méchant, arrivant rarement à hauteur de cruauté, n’est jamais grand, et fait surtout son miel des menues souffrances qu’il inflige.

Aussi, à lire la Méchanceté ordinaire, de Francis Ancibure (psychologue au Centre hospitalier de la Côte Basque, chargé de cours de criminologie à la faculté pluridisciplinai