Si vous étiez aigris, vous diriez peut-être : la vie littéraire parisienne n’a jamais été aussi terne depuis, mettons, quatre siècles. Pas de pamphlets, pas de propos enflammés sur l’avenir du roman. Pas d’empoignades entre écrivains ni même de débats sur la critique. Encore moins de duels ou de gifles. Rien. Tout le monde s’en fout. Les chroniqueurs roupillent, les buvettes de Saint-Germain n’accueillent plus que des touristes, les patrons de l’édition n’ont d’autres préoccupations que le fla-fla numérique, Paris s’ennuie. Ce qui, aujourd’hui, tient lieu de littérature est un substrat sur lequel on pourrait éventuellement faire pousser du trèfle. Vous auriez tort, bien sûr, de dire des choses pareilles.
Mais si vous vouliez poursuivre dans la chafouinade, vous ajouteriez probablement : l'effervescence du moment, et c'est un bien grand mot, se réduit à peu de chose, du genre Bidule attaque Machin en justice parce que ceci et cela, Truc est sous dialyse, Untel compte ses points de retraite, la maison X va être diffusée par la maison Y. Ah ouais ? Mais dites donc, les gars, c'est passionnant vos affaires ! On halète, on en redemande. On s'en serait voulu à mort de rater une époque si pétillante. Etes-vous sûrs que le groupe Z a bien procédé à une augmentation de capital ? Qu'il est désormais structuré en douze business units ? Nom de dieu, l'intelligence scintille de partout ! La littérature est un enchantement permanent, les écrivains sont les messagers d'un