La mort de l'écrivain colombien Gabriel García Márquez, 87 ans, prix Nobel 1982, est celle d'un symbole littéraire et politique, véritable pop star du rêve et du drame latino-américains des années 1960. C'est aussi celle d'un homme devenu l'ami et le fidèle soutien d'un maître abusif des rêves égalitaires et des illusions perdues, le dictateur Fidel Castro. Son plus célèbre roman, Cent ans de solitude, paru en mai 1967, le jour même où sortait le «Sergent Peppers» des Beatles, allait marquer une langue et une époque. Le romancier exportait la vie d'un continent et définissait avec d'autres, ceux qu'on appela les écrivains du «boom» latino-américain, les contours d'un nouvel imaginaire. «Dans les bonnes consciences de l'Europe, et aussi parfois dans les mauvaises, a fait irruption avec plus de force que jamais l'actualité fantasmatique de l'Amérique latine, cette immense patrie d'hommes hallucinés et de femmes entrées dans l'histoire, dont l'obstination infinie se confond avec la légende», disait-il à Stockholm en recevant son prix.
Avant d'être romancier, García Márquez fut un excellent journaliste – d'abord à Barranquilla, puis, en Amérique latine et en Europe, pour l'agence Prensa Latina. L'un de ses plus fameux textes, Récit d'un naufragé, est publié en vingt épisodes dans El Espectador en 1955 : c'est l'histoire d'un marin militaire qui, après être tombé de son navire, survit dix jours en haute mer. Les qualités de García Márquez sont d