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Libération

Du premier paragraphe

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publié le 23 avril 2014 à 19h36

Dans une interview donnée en 1981 à la Paris Review, Gabriel García Márquez avait fait cette constatation : «Une des choses les plus difficiles à faire, c'est le premier paragraphe. Il m'est arrivé de passer plusieurs mois sur un premier paragraphe. Une fois que je l'ai, le reste vient très facilement. Dans le premier paragraphe, vous résolvez la plupart des problèmes du livre. Le sujet est défini, le style, le ton.»

C’est formidable, les recettes d’écrivains : elles donnent l’impression - dramatiquement fausse, comme chacun sait - qu’écrire est chose aisée, du moins paramétrable. Faites un solide premier paragraphe, les amis, et vous verrez : le bouquin va sortir de votre clavier comme un pet sur une toile cirée.

Il n'était probablement pas dans les intentions de García Márquez de prétendre que cette loi marchait pour tout le monde. D'ailleurs, elle n'a pas toujours marché pour lui. L'écrivain colombien a commencé d'écrire Cent Ans de solitude à l'âge de 17 ans. Puis a laissé tomber vu la difficulté de l'entreprise. Or, il fit plus tard cette confidence à un ami : «Je peux t'assurer que le premier paragraphe du roman est, à la virgule près, le premier paragraphe que j'ai écrit il y a vingt ans» (Extrait de García Márquez. Una vida, de Gerald Martin). Le premier paragraphe de Cent Ans n'avait donc pas tout résolu, enfin pas tout de suite.

De cela, le romancier tirait illico une nouvelle loi : «Lorsque quelque chose te po