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Libération
Critique

Mari et flamme

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Alain Frontier reconstruit son père à coups de textes littéraires, manuels pratiques et archives familiales.
publié le 23 avril 2014 à 19h36

Le 21 septembre 1983, à 12 h 21, elle dit :

«S’il n’y avait pas de fleurs, on ne verrait rien.»

Elle, c’est Marie-Hélène Dhénin, l’héroïne de Portrait d'une dame (Al Dante, 2005). Lui, c’est toujours son mari, Alain Frontier (né en 1937), qui note assidûment, dans une tentative d’épuisement du couple, tout ce que sa compagne dit.

Ce jour-là, ils sont au cimetière, le père de l'auteur vient de mourir. Dans le Compromis, Frontier note très peu les paroles de sa femme. Juste une fois, à la fin. Le reste du temps, il recopie les lettres de son père, Gaston, prisonnier pendant la drôle de guerre, impresario zazou pendant l'Occupation, puis en mission secrète en Grande-Bretagne ; enfin, occupant allié à Offenbourg, Coblence, Fribourg. Il prend aussi la place du père, continue son discours, le mêle au sien. Il repasse par les lieux que celui-ci a traversés («je marche à côté de Gaston»), délègue son regard à sa femme, Marie-Hélène, qui est photographe et qui cadre les maisons, les paysages, les ruines, à sa place. Il ne juge pas, n'enjolive pas, ne psychanalyse rien, ne parle jamais de lui-même. Ne fait pas de son père un héros. Gaston : «Je ne veux pas poser au héros car je n'en suis pas un, jamais je n'aurais accepté de faire quelque chose dont je ne me serais pas cru capable.»

«Presbytère». Frontier est pourtant très loin des mémoires familiaux. Ce qui travaille le Compromis, c'est plutôt la