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Portrait

Pablo de Santis, jeux d’échecs et maté

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Cet écrivain argentin livre des romans policiers et historiques comme autant d’indices de son art de la manipulation.
Pablo di Santis, à Paris, le 20 mars 2014. (Photo Roberto Frankenberg)
publié le 27 avril 2014 à 18h06

Dans les années 60, la mère de Pablo de Santis découpe les poèmes de Borges publiés le dimanche dans le supplément littéraire du quotidien La Nación, puis les glisse sous la vitre qui recouvre la table du salon, là où l'on met les photos des enfants et des chers disparus, en lisière de napperons, comme au fond d'un bassin couvert de nénuphars. La littérature est encore une affaire de famille chez certains médecins, dont le père du futur romancier. L'enfant lit les vers du vieil œdipe argentin dont il ne comprend pas les nouvelles : «A cette époque, ses livres étaient des objets magnifiques. Ce qui m'a marqué, c'est que la littérature, c'est l'imagination. Et aussi la brièveté et une certaine clarté.» L'imagination est une qualité indispensable au détective. Le héros de Pablo de Santis, le fils de cordonnier Salvatorio Sigmundo, l'a appris en 1889 de son défunt maître en investigation criminelle, Craig : «C'est l'imagination qui fait parler les indices. Sans elle, les indices sont muets.» Et la littérature, cette trace d'un crime plus vaste, également.

A 12 ans, l’enfant se met à écrire après avoir lu des nouvelles de Ray Bradbury, qu’il imite. Elles sont publiées dans une collection, Minotaurio, dont le directeur a traduit Tolkien et découvert Garcia Márquez. Pablo de Santis aime les contes fantastiques. Plus tard, il est impressionné par la «vitalité» du Voyage au bout de la nuit, pourtant assagi par la traduction. Il fréquente le cinéma du quartier,