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Libération
critique

Beckett mis en plis

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Premier volet de la correspondance de l’Irlandais francophile.
Samuel Beckett.. (Photo AFP)
publié le 14 mai 2014 à 18h06

On n’a pas l’impression que le jeune Beckett aurait été archiqualifié pour vivre à notre époque. En effet, contrairement à la plupart de nos artistes et écrivains, il avait l’intelligence de trouver ses œuvres nulles. Le 8 février 1935, à son ami et confident Thomas McGreevy :

«Je me sens minable, sordide & incapable au-delà de toute description.»

Il a 28 ans, est en train de ramer sur

Murphy,

son premier roman proprement «beckettien». Il n’écrit pas encore en français. Les nouvelles de

Bande et sarabande

ont été publiées en 1934. Egalement son essai sur Proust, qui le rend durant l’année 1930

«impatient d’arracher les couilles de la pine critique et poétique proustienne».

Mais Beckett n’était pas non plus archiqualifié pour vivre à son époque.

Murphy

sera multirefusé par les éditeurs, dont le sien, Chatto and Windus, qui lui écrit gentiment que son livre, exigeant

«beaucoup de l’intelligence et des connaissances générales du lecteur, a moins de chances que jamais de s’attirer une audience».

Finalement, le roman paraît chez Routledge en 1938.

En septembre 1935, au même Thomas McGreevy : «Je me suis forcé à continuer à travailler au livre, & il avance très lentement. J'ai fait environ 9 000 mots. C'est assez mauvais & je ne m'y intéresse pas. Les douleurs intestinales sont pires que jamais. Bion ne s'y intéresse pas.» Wilfred Ruprecht Bion est alors le psy de Beckett. Le parallélisme des deux refus saut