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critique

La part du lion

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Un recueil posthume de variations sur le roi des animaux par le philosophe Hans Blumenberg, lui-même héros d’un roman léonin.
Le philosophe était «un admirateur notoire des éléphants». (Photo Reuters)
publié le 14 mai 2014 à 18h06

En 1982 à Münster, un philosophe allemand, né en 1920 à Lübeck, voit apparaître chez lui, puis dans l'amphithéâtre où il fait cours, un lion. Cet animal silencieux a, entre autres vertus, celle de ne pas chier sur le tapis de Boukhara hérité de son père, où figurent des éléphants. Le philosophe, Hans Blumenberg, est en effet «un admirateur notoire des éléphants, il semblait avoir une grande sympathie pour le compagnon contrarié de la civilisation humaine, tout comme les enfants qui avec leurs petits bras essayaient d'atteindre sa trompe, une sympathie profondément enracinée qu'éprouvaient probablement la plupart des êtres humains». Il a fait un jour sa leçon «sur une possible civilisation de la trompe chez l'éléphant».

Le lion de Blumenberg, descendant de celui de saint Jérôme, est le compagnon fantôme de la civilisation humaine. Sa première vertu est d’être imaginaire, donc absent. Hans Blumenberg, mort en 1996, était le grand philosophe de la métaphore - comme voie capricieuse et respiratoire de la pensée. La métaphore naît d’une absence (de ce qui est, de ce qui peut être dit). Le lion de Blumenberg est un lion de (et à) métaphore. Il en produit et s’en nourrit - silencieusement. Ce n’est plus le cruel roi des animaux, mais une figure magique, ironique, de la compassion.

Gazelle. Blumenberg écrit: «Rien n'est resté de la menace omniprésente que le lion a apportée de ce monde du désert qu'est le monde biblique, menace qui s