En principe, la décision est prise. Les livres sont déjà sur le chemin des cartons, le congé a été donné au propriétaire de l'appartement… Mais il faut encore sauter le pas, vaincre l'ultime appréhension, la dernière résistance, celle qui freine le départ, celle qui, sûrement, murmure dans un coin de sa tête : dis, Ebrahim, t'es sûr d'avoir fait le bon choix, de n'avoir pas à le regretter, de n'avoir pas de gros soucis à la frontière ? Satiriste, humoriste, polémiste, romancier, essayiste, journaliste, analyste politique, chercheur et célébrité en son pays, Sayyed Ebrahim Nabavi, 56 ans, est un homme aux cent casquettes. Mais il y en a une qu'il ne parvient plus à porter : celle de l'exilé. Aussi souhaite-t-il retrouver l'Iran. L'homme dont la moindre chronique dans le quotidien Tous déclenchait, sous la présidence de Mohammad Khatami, d'immenses files d'attente aux kiosques de Téhéran l'a fait savoir sur les réseaux sociaux et dans une tribune publiée en novembre dans The Guardian et Libération (1) sous le titre «J'ai quitté l'Iran pour éviter les persécutions, je dois y retourner».
Promenade touristique dans un champ de mines
Quand Ebrahim Nabavi parle, c'est toujours un ronronnement que l'on entend, celui d'un gros chat de salon que les dix années d'exil passées à Tombeek, petit village de la Belgique flamande, ont simplement épaissi. Question style, le satiriste n'a pas changé non plus. Quand il écrit, le chat de salon se métamorphose en chat de gouttière, distribuant des coups t