La Loire est toujours plus vaste que la mémoire et, malgré ses crues, ses seigneurs parfois sanglants et ses sables mouvants, d’un clavier plus tempéré que les cœurs qui la saignent. C’est le fleuve qui prend ses sources - trois - au mont Gerbier de Jonc et - innombrables - dans une littérature qu’avec naturel son lit ne cesse d’irriguer : Charles d’Orléans, Ronsard et du Bellay, la Pléiade, Descartes, La Fontaine, Madame de Sévigné, Balzac, Vigny, Paul-Louis Courier (à l’entrée «Véretz», lieu où le tua son garde-chasse), le voyageur francophile Henry James, Charles Péguy, Max Jacob (à l’entrée «Saint-Benoît sur Loire»), René et Hervé Bazin, Maurice Genevoix et même Claudel baignent ce
Dictionnaire amoureux
, soixante-treizième de la série. Aucun fleuve n’y avait encore eu droit.
«Idée fausse». Est-elle masculine, féminine ? L'entrée «Sexe de la Loire» aborde la question en réglant le compte d'un tableau de Max Ernst, le Jardin de la France, reprise parodique d'un tableau de Cabanel : «Si le tableau de Cabanel appartient au style pompier, celui-ci ne vaut guère mieux, c'est le pompier moderne, à la Delvaux, le pompier surréaliste, et sa vision ultraconventionnelle de la féminité. C'est une idée fausse des femmes, mais aussi une idée fausse de la Loire : on aura depuis longtemps compris que je réprouve tout ce qui donne de mon fleuve une image alanguie, oubliant sa violence constitutive et sa majesté.» La Loire de Sallenave est hermaphrodite. Jul