Sous l'impulsion de quelques historiens britanniques, au premier rang desquels Simon Schaffer, l'histoire des sciences a été profondément renouvelée durant le dernier quart de siècle. On est passé d'une histoire intéressée par la seule découverte des vérités scientifiques à une étude des aspects pratiques du travail des savants et des diverses procédures qui les conduisent à accepter certaines propositions nouvelles comme des «vérités». Il s'agit en somme de s'intéresser moins au progrès des connaissances qu'au processus qui conduit à l'émergence d'un nouveau savoir. En partant d'exemples pris aux XVIIIe et XIXe siècles, la Fabrique des sciences modernes illustre cette part essentielle qui revient au contexte dans l'apparition de la révolution scientifique.
Simon Schaffer s'intéresse en particulier à Newton, incarnation du héros scientifique mettant au jour les lois les plus secrètes de la nature par la seule puissance de sa pensée. «Le statut même du génie newtonien semblait dépendre de son isolement», écrit l'historien de Cambridge, qui montre au contraire le rôle essentiel des informateurs locaux de par le monde pour lui fournir des données quantitatives sur la hauteur des marées. L'expérience et ses incertitudes furent déterminantes dans la victoire des nouvelles idées newtoniennes. Car confronté à des théories cosmologiques rivales, notamment celle de Leibniz, Newton avait besoin de montrer que son modèle de l'attraction lunaire s'