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critique livres

Comme on fait son pli on se couche

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Facteur loser et messager prostitué au coeur de deux romans américains
Contre le mail, la lettre dans l'enveloppe. (Photo Reuters)
publié le 11 juin 2014 à 18h06

Monsieur Toussaint Louverture, maison toulousaine du Karoo de Steve Tesich, et Le Tripode, née l'an dernier de la scission des anciennes éditions Attila, publient peu et portent beau. Que chacun sorte à quelques mois d'intervalle des textes à la gloire du courrier et de ses porteurs tient presque de l'affirmation identitaire : contre le mail, la lettre dans l'enveloppe ; contre la liseuse, l'objet livre. Facteur timbré d'un côté, coursier prostitué de l'autre. Deux époques dans l'Etat de New York, deux belles dérives longtemps demeurées poste restante.

«Irréversible». Mailman est le premier roman traduit en français de J. Robert Lennon, écrivain et musicien né en 1970, et il aura fallu treize ans pour qu'il nous parvienne. Décalage amusant, sachant que le livre prend pour point de départ et de bascule une lettre trop longtemps retenue par un facteur. Il se trouve que ce dernier, le Mailman du titre, a pour habitude, depuis presque trente ans de métier, de subtiliser des lettres après sa tournée, de les rapporter chez lui, de les lire en douce le soir même, puis de les photocopier et de les archiver avant de rendre les originaux à leurs destinataires. Sauf que ce coup-ci le destinataire s'est suicidé avant d'avoir pu lire la lettre d'encouragement qui lui était destinée. Une nouvelle démonstration du «pouvoir irréversible du courrier» détenu par Mailman, duquel il a pris conscience, comme nombre de super-héros, à