Le quartier de Barbès, dans le nord de Paris, est à la taille exacte de sa douleur, et de sa survie. La réalisatrice Jeanne Labrune (C'est le bouquet !, Sans queue ni tête…) y habite avec son compagnon, Richard Debuisne, coscénariste, acteur dans ses films. Il meurt, de maladie, après de multiples séjours à l'hôpital, évoqués au début du texte, dans l'attente d'une place, jamais obtenue, dans un centre de renutrition qu'on devine inutile.
«La catastrophe individuelle et la solitude font surgir le monde dans sa complexité et son extrême cruauté, sans qu'aucun visage aimé, au premier plan, ne captive plus l'attention, ne réduise la rue à un décor dans lequel se vivrait notre histoire personnelle. La rue, c'est l'Histoire, le branle ordinaire du monde.» Jetée à la rue de son amour, la narratrice découvre en quelque sorte les mécanismes de la description romanesque : que le portrait d'une ville est toujours le portrait de l'être aimé, que tout s'y rapporte à lui ou à elle, «par des similitudes ou par des contrastes violents» comme disait Flaubert.
Anesthésie. Comment dans le deuil rendre la rue supportable, comment réhabiter les lieux ? A Barbès, dernier quartier populaire de la capitale, la vie se trouve et se retrouve à travers les rencontres : «Il y a beaucoup de douceur dans le quartier le plus dur de Paris.» Non pas amoureuses, mais perplexes, improbables, joyeuses. Un lieu de brocante intime,