Menu
Libération
critique livres

Sloterdijk, la rédaction du quotidien

Article réservé aux abonnés
Pensées et descriptions à la volée par le philosophe de Karlsruhe
L'auteur Peter Sloterdijk à Francfort en 2006. (AFP)
publié le 11 juin 2014 à 18h06

Platon jouait-il au tric trac ou aux osselets ? Epicure aimait-il courir, avait-il une phobie des insectes, préférait-il l’hydromel à la ptisane ? Que faisaient Spinoza ou Descartes de leurs journées, à part écrire ? Et Husserl aimait-il se promener toujours à la même heure, comme Kant, ou flâner, comme Walter Benjamin ? Aristote voulait que d’un penseur on pût dire seulement qu’il est né, qu’il a vécu et qu’il est mort. De fait, n’étaient quelques anecdotes recueillies dans leurs œuvres, ou, plus sûrement, dans leur correspondance, quand elle existe, on ne saurait quasiment rien des activités quotidiennes des philosophes, purs esprits occupés du matin au soir à créer des concepts. Cela est surtout vrai des classiques : à mesure que se sont développés les moyens d’expression et de communication, que s’est ouvert jusqu’à la transparence l’espace public et que la publicité a percé la sphère privée, la biographie a été moins occultée par l’œuvre. De plus, certains philosophes se sont aussi livrés à des confessions et ont écrit des journaux intimes ou leur propre autobiographie intellectuelle.

Dans ce contexte, un ouvrage tel que les Lignes et les Jours - dont le titre évoque audacieusement le poème d'Hésiode, les Travaux et les Jours - apparaît comme un «objet non identifiable». On y apprend certes que Peter Sloterdijk, l'une des grandes figures de la philosophie d'aujourd'hui, a subi une opération sous anesthésie générale, qu'il a une douleur persistante au ge