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A pied au cœur du vide américain

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Wolfgang Büscher traverse le Midwest en solitaire
Bryan Brewer, chef de la tribu sioux Oglala, dans le sud du Dakota. (Photo AFP)
publié le 18 juin 2014 à 18h06
(mis à jour le 18 juin 2014 à 18h06)

Généralement, l'écrivain étranger fait le voyage d'Amérique en huron privilégié. Invité par des instituts, promené par l'éditeur, conférencier des campus, c'est une étoile de type Tocqueville ou à frissons marxistes, tendance Badiou. Wolfgang Büscher, né vers Kassel en 1951, arpente le pays en solitaire, sac au dos, en coupe longitudinale par le centre, autrement dit le vide : «Si vide était l'Amérique, si américain le vide, je ne savais pas que c'était à ce point.» Ce vide a une vertu romanesque : tout au long du voyage, silhouettes et caractères se détachent à merveille, comme des couleurs puissantes et insolites au cœur d'un tableau sans motif. Chaque parole entendue résonne dans le silence et sous le vent. Au Texas, vers la fin, Büscher se demande comment, malgré ce vent, les chapeaux ne quittent jamais la tête des hommes. Il en achète un pour vérifier et le perd aussitôt.

Une image donne le ton de ce vide tellement plein, tellement autre : «Dans le Dakota blanc, un faisan se tenait parfois au bord de la route, comme s'il attendait que quelqu'un l'emmène avec lui. Dans le Dakota rouge, la réserve, ils gisaient, morts, en bordure de la route, l'un à la suite de l'autre.» Büscher s'arrête, les regarde, la lumière décline, désormais «seule la noirceur de la route, nette et coupante, brillait réellement. La route était le cadeau qu'avaient offert les blancs à la terre et la terre l'avait accepté, comme si elle l'attendait.» Faisans morts, r