C’est un roman sur le foot dont les spectateurs sont absents. Pas de vacarme de foule, ni de chants de supporteurs. Un livre qui se déroule en apnée, mais dont le silence ne serait pas celui, majestueux, héroïque, du Zidane, un portrait du XXIe siècle , film des plasticiens Douglas Gordon et Philippe Parreno sorti en 2006 à la gloire du milieu de terrain français.
«Racines». Non, nous sommes ici de bout en bout dans la tête du mystérieux «Mister», entraîneur magicien dont l'équipe (non nommée, générique, contemporaine) n'a connu, depuis le début de la saison, aucune défaite. Mister vient d'un pays inconnu, a été recruté pour des millions, n'ôte jamais ses lunettes fumées et a des joues qui s'agitent «comme des babines» . De ses joueurs, on ne connaît pas les noms, et l'on ne voit que les maisons («ces villas aux volumes vides, ces meubles postés aux angles comme des sentinelles, ces longs murs gris check-point, des lieux où perdre la tête» ) et des morceaux de corps : tibias, crânes, cuisses épaisses, muscles cramés, poumons chargés d'air vicié, «articulations entortillées comme des racines» . L'écriture d'Elsa Boyer glisse le long des nerfs, soulève les viscères et fait craquer les os.
L'intrigue de Mister suit les aléas d'une saison de compétition, un peu comme elle suivrait un fleuve accidenté : il y a des accélérations, des retours, des torrents d'impressions contrastées. L'art et le jeu ne se logent pas dans les match