D'un riche banquet au cours duquel quelques privilégiés font bombance - indifférents aux regards implorants d'une foule de pauvres affamés -, on dira qu'il est dégoûtant. On préfère imaginer qu'autour d'une table frugalement garnie, tous partagent ce qu'ils ont préparé avec amour. Mais alors pourquoi notre monde est-il devenu le festin des inégalités, des injustices et de l'individualisme, plutôt que la fête de l'égalité et de la fraternité ? Pourquoi tolère-t-on que «les vingt individus les plus riches du monde» aient des ressources «égales à celles du milliard de personnes les plus pauvres», et que «10% des adultes les plus riches de la planète possèdent 85% de la richesse mondiale totale» ? Parce que, dirait La Palice, tout le monde serait pauvre s'il n'y avait pas de riches. C'est l'idée du capitalisme, dans son moment «fordiste». Au début du XXe siècle, Henry Ford doubla le salaire de ses ouvriers, de façon, soutenait-il ironiquement, à ce qu'ils puissent acheter ses voitures, et augmenter ses profits. La richesse de quelques-uns contribue au dynamisme de l'économie, crée des postes de travail, et donc profite à tous. Les inégalités sont un fait : tenter de les réduire serait «nuire à la force et à la santé de la société». Mais ce ne sont là que des «fétiches», des illusions, des mensonges. Voilà ce que montre Zygmunt Bauman dans un petit livre cristallin, tranchant et salutaire : Les riches font-ils
critique livres
Mythes de riches
Article réservé aux abonnés
Zygmunt Bauman à Prague en 2012. (Photo AFP)
par Robert Maggiori
publié le 18 juin 2014 à 18h06
Dans la même rubrique