De Foucault, Beatriz Preciado lit tout et tout le temps. Dans la jeune génération des philosophes, sans doute cette personnalité hors norme du monde des idées est-elle une de celles qui renouvelle le plus l'héritage de l'intellectuel. Espagnol(e), féministe radical(e), ayant étudié en France et aux Etats-Unis, récusant la rigidité des identités sexuelles et refusant de ce fait de se définir par le genre féminin ou masculin, elle/il (1) travaille sur la sexualité, le corps et plus particulièrement sur les techniques corporelles. Pour Preciado, notre enveloppe de chair et d'os est loin d'être une donnée de la nature, mais bien, dans une vision très foucaldienne, un mille-feuilles composé «d'archives politiques» façonnées notamment par les écrans et les substances chimiques (médocs et autres pesticides). Directeur(trice) du Programme d'études indépendantes au Musée d'art contemporain de Barcelone (1), elle/il explique ici son rapport au philosophe français.
Que représente pour vous Foucault ? Un maître ? Un compagnon de pensée ? Vous dites-vous «foucaldien(ne)»?
Je me dis foucaldien ou foucaldienne comme quelqu’un peut se dire guitariste… Parce que Foucault est un instrument conceptuel avec lequel on peut faire des musiques différentes… On peut jouer un Foucault ultralibéral comme on peut en faire du heavy métal anticolonial… Foucault est devenu pour moi un amant textuel, dans le sens où je vis vraiment avec ses textes, mais comme avec un amant, nous avons souvent des disputes, des bagarres. Je m’obstine à faire une lecture transféministe, queer et décoloniale de sa philosop