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Libération
Critique

La vie sexuelle du stambouliote C.

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Un roman phare de la modernité turque par Yusuf Atilgan;
publié le 25 juin 2014 à 18h06

La quatrième de couv décrit ce héros «désœuvré» comme «très éloigné des idéaux masculins de la république kémaliste». C'est une façon polie de dire que «C.» est un obsédé du cul qui a tendance à vomir son alcool le soir en rentrant dans les toilettes. Le reste du temps, C. se promène et regarde des femmes, imagine des femmes, rencontre des femmes ou pas, car il s'essaie à l'écriture et certaines scènes décrites comme réelles se révèlent quelques pages plus loin n'être que des fragments de ses propres textes et fantasmes.

«En montant la pente, il voyait les fesses bien dessinées de la fille qui marchait un peu plus loin, à droite. Elle avait les cheveux noirs. Elle coinçait son cartable contre sa hanche. D'habitude, c'est dans les yeux des hommes qui arrivaient en face qu'il pouvait voir si la femme qui marchait devant lui était belle ou non.» On l'aura compris, c'est la deuxième moitié du paragraphe qui importe ici. L'Homme désœuvré, paru à Istanbul en 1959 et premier des deux seuls romans qu'écrira Yusuf Atilgan (1921-1989), est un livre phare de la modernité turque, ultra-attentif aux battements de cils spirituels et sensoriels de ses personnages, et pas du tout porté sur la couleur locale ni la psychologie réaliste. L'errance apparemment sans but de C. («Il dégringola l'escalier. Une fois dans la rue, il constata qu'il n'était en retard pour rien. Tout était comme d'habitude.») évoque à la fois la forme-balade du film néoréaliste ou nou