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Libération
Critique

Le théâtre galant, arme française

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Les comédiens, vecteur culturel sous les Lumières
publié le 25 juin 2014 à 18h06

Longtemps les historiens ont cru au mythe de l'«Europe française» au XVIIIe siècle. L'idée est ancienne puisque dès 1746, dans son discours de réception à l'Académie française, Voltaire évoquait la grandeur de l'esprit français régnant sur l'Europe. Le symbole de cette civilisation était la langue, porteuse d'un art de vivre qui prenait forme grâce à la conversation. Au-delà des idées reçues, Rahul Markovits cherche à comprendre la réalité de cette influence culturelle en prenant le cas du théâtre. Ce dernier a en effet tenu une place considérable dans la diffusion de la langue française au siècle des Lumières comme pratique culturelle préférée - souvent quotidienne - des élites, sans doute parce qu'autant littéraire que sociale. Si le théâtre français pénètre peu en Espagne et en Grande-Bretagne, déjà dotées d'une forte tradition nationale avec le théâtre du Siècle d'or et le théâtre élisabéthain, il est surtout présent dans les cours princières de l'Europe du centre et du nord, et ne touche que marginalement les publics citadins. Dépense coûteuse, une troupe d'acteurs venue de France est pour un prince un élément de prestige. Pour l'aristocratie, souvent rompue à la langue de Racine, c'est autant une distraction qu'un marqueur de distinction sociale. On s'attendrait de ce fait à ce que le répertoire reflète l'éthos aristocratique et soit dominé par la tragédie mais c'est au contraire la comédie qui l'emporte (à Berlin, 97% des pièces représentées sont des comédi