Le nouveau livre d’Ali Smith fourmille de tant d’histoires qu’on aimerait raconter à notre tour, qu’il est difficile de choisir. Entre celle de l’enfant né sans aucun doigt à la main gauche qui, devenu pianiste dans les bars, non seulement joue, mais distribue aussi
«de bons coups de moignon»
et celle de l’homme qui répand de la
«poudre anti-éléphant»
au milieu d’une route. Ou celle de l’inventeur qui conçut une machine pour découvrir de quelle couleur était le fond de la mer et
«n’a vu qu’une couleur,
du bleu».
Ou celle de May Young, à qui Philip avait murmuré à l’autel, le 7 juin 1947 :
«M’épouser et prendre mon nom te permettra de rester à jamais jeune.»
Confins. Aujourd'hui Philip est mort, et May, dans son lit d'hôpital, ne sait plus bien si elle est encore vivante ou non. Elle se remémore des choses «dans les confins de sa tête». Comme ce jour, des années plus tôt, où elle s'était rendue dans une maison de repos pour saluer une vieille amie. Cette dernière s'était assoupie et May, elle-même concentrée sur la moquette, avait senti une main sur son bras. Une femme élégante se tenait à ses côtés, elle lui demandait de venir régler. Régler quoi ? «May expliqua qu'elle était juste en visite pour l'après-midi. Qu'elle n'était pas de la famille ni rien. Nous acceptons la Mastercard et la Visa, répliqua la femme bien habillée. Je crois qu'il y a un malentendu, répondit May.» La dame a