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TRIBUNE

Oui, Victor Hugo est un vrai «fils de pute»

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Des lycéens ont insulté l'auteur après que l'un de ses poèmes leur fut proposé au bac. Mérité ?
Victor Hugo (Photo Nadar)
publié le 2 juillet 2014 à 18h06

Victor Hugo est «un fils de pute». C'est l'opinion d'un nombre non négligeable de lycéens qui ont eu à commenter son poème Crépuscule à l'écrit du bac français. Les intéressés ont peu apprécié l'œuvre, encore moins l'exercice. On le sait grâce aux réseaux sociaux et leur faculté de transmuter les babillages de cour de récré en rumeur publique. La presse s'est amusée du sacrilège, l'âme du pays en a été froissée : peut-on cracher sur une telle icône ?

Le fait est que les lycéens ont eu raison de traiter Hugo de fils de pute, comme ils seraient d'ailleurs en droit de traiter Mallarmé d'enculé. C'était un jour blême de bac, et Hugo jouait aux devinettes : «L'herbe s'éveille et parle aux sépulcres dormants / Que dit-il, le brin d'herbe ? et que répond la tombe ?» Globalement WTF, répondirent in petto quelques lycéens. Version du poète et de la tombe : «Aimez, vous qui vivez ! On a froid sous les ifs / Lèvre, cherche la bouche ! Aimez-vous ! la nuit tombe / Soyez heureux pendant que nous sommes pensifs.» Des êtres de 16 ans souffraient l'agonie du bac, et l'auteur des Contemplations venait leur dire que la vie était courte, qu'il fallait d'urgence la consacrer à l'amour, aux baisers, au bonheur. Alors qu'eux héritent d'une planète pourrie et d'une voie expresse vers Pôle Emploi avec ou sans bac, ainsi que d'une vie étroitement surcadrée par l'écran de leur smartphone et la pauvreté d'une langue qui doit désormais y être circons