Classique contemporain en Italie, moins connu en France, Giorgio Caproni (1912-1990 et mille pages de poésie) se présente à nous recommandé par deux de ses cadets, Pier Paolo Pasolini et Giorgio Agamben. Pasolini, parce que Caproni est un des rares critiques à avoir remarqué en 1942 la parution de son premier recueil, les
Poesie a Casarsa,
et qu’une amitié indéfectible les liera à partir de 1950 : les deux hommes se voient à Rome presque tous les jours jusqu’à la fin des années 60. Pasolini voudra faire jouer Caproni dans
l’Evangile selon saint Matthieu,
mais le poète est à l’hôpital pour ulcère. Qu’importe, il doublera en 1975 un des personnages de
Salò ou les 120 journées de Sodome,
quoique prétendant ne pas savoir à qui il prêtait sa voix (on imagine que c’est un des vieux tortionnaires) et n’avoir pas vu le film. Tout ceci est détaillé dans la biographie qui clôt l’édition italienne de cette
Œuvre poétique
complète (1988), aujourd’hui traduite en français.
Dans l'Evangile, en revanche, le philosophe Giorgio Agamben, jeune, sexy et bouclé, a un minuscule rôle. Caproni et lui se rapprochent à partir de 1981. Agamben éditera le recueil posthume de son ami, Res amissa («chose perdue»), écrivant à son sujet des choses fort agambiennes (il voit en saint Augustin et Pélage des précurseurs de ce qu'il nomme la «théologie» de Caproni) : «La grâce est un don si profondément répandu dans la nature humaine qu'il ne peut lui ê