On peut être un homme et une fiction, un être tout chair et papier, sang et encre, on peut vivre de ça, comme ça, et sans doute en mourir, parce que si la littérature c’est la vie et la vie, la littérature, le passage de l’un à l’autre ne peut se faire dans les deux sens que sur un fil tranchant, magique, sublime et ridicule comme le numéro sans filet d’un funambule sous chapiteau. Tel fut le cas de l’écrivain Yann Andréa, retrouvé mort jeudi, à 61 ans, dans le studio que Marguerite Duras lui avait laissé, rue Saint-Benoît à Paris. La mort ne semble pas suspecte. Sa cause n’a pas encore été précisée.
Depuis longtemps, on n'avait plus de nouvelles de lui. On ne voyait plus guère sa petite moustache, ses lunettes imperceptiblement cerclées, ses longs cheveux à la Peter Handke, sa fragile et fine silhouette, élégante, ébréchée, vêtue dans des teintes généralement claires, sur les banquettes du Flore et les trottoirs de Saint-Germain-des-Prés. Son dernier livre, Dieu commence chaque matin (Bayard), datait de 2001. C'est un fantôme sensible et délicat, un élégant samouraï qui a disparu.
Il fut le dernier amant, le valet de cœur et d’écrit, l’esprit de compagnie, l’admirateur, le correspondant, le chauffeur, le secrétaire, l’exécuteur littéraire, le personnage, la création et le survivant de Marguerite Duras - sans qu’aucune de ces qualités, ni toutes ensemble, puissent définir la nature de leur lien. Ce lien dura vingt ans, jusqu’à la mort de l’écrivain.
Dans la Vie mat