Elle avait une réputation redoutable. J'ai rencontré Nadine Gordimer pour la première fois en mars 1980 et, sans être totalement terrifié, je me dois d'avouer une certaine appréhension alors que je me tenais derrière le lourd portail en bois du mur de son jardin de Parktown, rassemblant tout ce qui me restait de courage avant d'entrer. C'était le matin - Gordimer travaille tôt. J'étais alors un étudiant diplômé qui commençait à enquêter sur ce qui allait devenir ma thèse de doctorat. Je lui avais envoyé un de mes articles qu'elle avait apprécié. C'était bon signe. A présent, il me fallait l'interviewer. Phyllis Lawsen, un de mes anciens professeurs d'histoire à Wits, m'avait donné le conseil suivant : «Ne lui parle pas de fiction. Commence par les essais. C'est mieux comme ça.» Et c'est ce que j'ai fait.
Etait-ce grâce à l'article que je lui avais envoyé ou au fait que j'avais en effet évité de parler fiction - mais ce que j'appris au cours de ma conversation avec elle ce jour-là, dans son salon qui me devint si familier par la suite, changea véritablement tout pour moi. «Comment dois-je vous appeler ?» lui demandai-je. «Nadine», répondit-elle après un court moment de réflexion. Ça a commencé comme ça.
J’avais devant moi, comme je m’y attendais, une femme d’une intelligence et d’une lucidité exceptionnelles. Jusque-là pas de surprise. Mais ce que je découvrais et qui se confirma par la suite, c’était surtout une ouverture d’esprit, une disposition à