C'est en hommage à René Leys, le roman de Victor Segalen, lui-même inspiré par un Français ayant prétendu avoir pénétré en 1910 à Pékin dans le Palais impérial pour y divertir l'impératrice, que le sinologue, universitaire et écrivain belge Pierre Ryckmans avait pris pour nom de plume, il y a presque un demi-siècle, Simon Leys. Il est mort lundi, à 78 ans, à Canberra, en Australie, pays où il habitait depuis 1970, avec son épouse chinoise et leurs enfants. Loin d'un monde intellectuel européen, particulièrement français, qui commença par l'ignorer pour finalement le célébrer.
Ses derniers mots publiés, dans le Studio de l'inutilité (Flammarion, 2012), sont tenus lors d'une conférence : «L'université n'est pas une usine à fabriquer des diplômes, à la façon des usines à saucisses qui fabriquent des saucisses. C'est le lieu où une chance est donnée à des hommes de devenir qui ils sont vraiment.» Il a fait en sorte de le vivre, comme étudiant, professeur et auteur : «Pour moi, l'étude et la vie ne formaient plus qu'une seule entreprise, joyeuse et inépuisable.» Et c'est bien ce qu'on éprouve à le lire, qu'il évoque l'épopée d'un équipage marin en perdition (les Naufragés du Batavia, Arléa), l'exil de Victor Hugo (Protée et autres essais, Gallimard) ou l'extraordinaire personnalité de Zhou Enlai (l'Humeur, l'Honneur, l'Horreur, Robert Laffont).
Son œuvre pourrait être résumée par l'exclamation de l'enfant dans les Habits neufs de l'