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critique

Arnon Grunberg architecte tonique

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Irak. Avec «l’Homme sans maladie», le romancier néerlandais plonge son héros dans l’enfer moyen-oriental. Cauchemar réussi.
publié le 20 août 2014 à 18h06

Il y a quelque chose de honteux dans le fait de vivre, mais tout le monde n'a pas la possibilité ou le privilège de s'en apercevoir, ni d'en mourir de rire. Dans la plupart de ses livres, sous son nom ou sous celui de Marek van der Jagt, Arnon Grunberg fait en sorte que le lecteur sente cette honte comme si c'était sa propre farce, qu'il pense comme dans L'oiseau est malade (Actes Sud, 2006) : «Les reproches qu'on se fait, ce sont les souvenirs qu'on a en s'endormant et qu'on retrouve au réveil.» L'homme sans maladie (1) est l'histoire d'un double cauchemar dont le héros ne se réveille pas mais le lecteur, si.

Samarendra Ambani, dit Sam, est un jeune architecte d'origine indienne, de nationalité suisse. Marié, il vit à Zurich. Il aime laver sa sœur handicapée qu'il suit dans la baignoire. La propreté l'obsède, la vue des assiettes sales le rend impuissant. Mais, quand il revient d'Irak torturé, silencieux, le nez de travers, l'ex-otage n'a aucun succès télévisé : «Vous avez un passeport suisse, mais vous n'êtes pas le prototype du Suisse, dit une journaliste. Les spectateurs voient en vous un Asiatique, auquel ils ne sont guère tentés de s'identifier. Ils aimeraient bien, mais ils ont du mal. Vous comprenez ? Donc je vais devoir ramener notre entretien à huit minutes.»

Sur son métier, avant de partir, Sam pensait : «Les architectes ont trop longtemps voulu exercer le pouvoir. Je ne veux pas exercer le pouvoir, je veux au contr