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Critique

Dalibor Frioux, rame ville ouverte

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Le cahier Livres de Libédossier
Galère. Deux mille passagers sont bloqués depuis deux ans dans un RER. «Incident voyageurs» critique férocement notre société.
Dalibor Frioux. (Photo Hermance TRIAY)
publié le 20 août 2014 à 18h06

Tous pressés, compressés dans un wagon à l'heure de pointe, passifs mais debout, comme les êtres humains que nous sommes restés. Tel est notre sort d'individus véhiculés. Et si cette image, déjà sinistre en soi, valait comme métaphore ? Dalibor Frioux s'en saisit pour développer un apocalyptique Incident voyageurs. C'est son deuxième roman, après Brut (lire Libération du 27 août 2011), et il continue sur la même voie : la critique sociale joyeusement dopée par l'imagination.

Dans le vocabulaire des transports en commun, la formule «incident voyageur» désigne par euphémisme un suicide. «Voyageurs» est ici au pluriel puisqu'il s'agit d'une catastrophe collective, c'est une sorte de suicide de masse, indirect, et d'origine inconnue. Deux mille personnes sont coincées sous terre dans un RER, à quelques kilomètres de Paris. Cela fait à peu près deux ans que ça dure. «Après toutes ces années, le monde d'au-dessus n'a jamais répondu à nos appels», constate Anna, une des trois voix qui se relaient pour raconter la non-existence présente et celle qui l'a précédée. Les deux autres sont Vincent et Kevin.

Corne. Anna : caissière, mère célibataire d'un petit Hutch anormalement gentil, que la vie dans la rame a peu à peu doté d'une corne sur le front, à force de se le taper dans la porte. Vincent : dir